La modernité des textes historiques, politiques et sociaux de Simone Weil demande à ce qu’ils soient pleinement évalués en corrélation avec son engagement dans les groupements d’avant-garde des années trente. Plus encore qu’un «destin révolutionnaire avorté» (Jean Rabaut), Simone Weil pourrait alors représenter un symbole à la fois emblématique et pathétique de l’échec des seuls véritables mouvements d’émancipation sociale de son époque.
En partant des critiques qu'elle a formulées à l'égard du syndicalisme, on peut cerner l'illusion qu'elle a nourrie à son égard. Le lieu de sa déception, c'est la découverte du problème du pouvoir au sein même du syndicalisme. Tout est déjà présent dans sa lettre à Thévenon, où elle marque déjà un certain éloignement du syndicalisme révolutionnaire: «Et surtout, si les syndicats pouvaient prendre le pouvoir – mais ce serait le gouvernement d'une "élite", comme dans le cas du parti! Même en régime capitaliste les syndiqués ne sont-ils pas soumis, dans les syndicats, à la dictature de la bureaucratie?». Dans la perspective de la véritable Révolution, elle en vient à poser très clairement la question fondamentale: «La question, c'est : trouver un moyen de former une organisation qui n'engendre pas une bureaucratie. Car la bureaucratie trahit toujours. Et l'action non organisée reste pure, mais échoue.»