Tout nous oppose, une phrase courante chez les SDF, c'est «Chacun est comme il est», eux, c'est tout sur les apparences, rien dans le citron, on va parfois chercher notre élégance dans une veste à carreaux mal taillée ou le coup de peigne trop visible, mais ce sont mes frères, les seuls dignes d'intérêt parce que justement laissés pour compte, loin de l'ignominie des bien- pensants…
Barque chavirante, le passeur est le requin la mer est le destin, on ne peut miser sur un tel avenir si l’on n’est privé de présent, tant d’années sèches, sur notre continent que l’indifférence organise à sa guise, tant d’années à picorer dans la gamelle fer blanc les pattes de sauterelles grillées d’une existence étique, et à présent dévisageant l’œil mauvais d’une tempête dans l’attente statufiée du battement de paupières lâchant sur nous son bruit et sa fureur.
L'humanité ne veut pas de nous. Parce qu'elle ne nous comprend pas. Parce qu'elle a peur de savoir que son modèle réduit de la vie n'est peut-être pas le seul fonctionnement possible. Parce qu'elle a peur de réaliser qu'elle est une usine à faire des enfants et manger et acheter et gaspiller et travailler et chier et se fatiguer. L'humanité a peur. L'humanité ne veut pas de nous.
Peuple dépossédé, soustraits mot à mot un à un les droits de l’homme et du citoyen,
Peuple cantonné dans le pré communal de la sagesse populaire du dimanche,
Peuple d’hommes de femmes d’enfants déséduqués année après année d’école tronquée d’école truquée à la solde des recruteurs
Afin d’ancrer dans sa caboche de peuple que les accents pointus sont pour lui trop haut placés,
Que jamais n’accédera à la noblesse de l’esprit, privilège inné auquel ne saurait prétendre l’archétype du péjoratif.