Dans la perspective coloniale, le monde noir n'incarnait qu'une forme de vie inférieure à la civilisation blanche. Une mentalité primitive ou mystique lui tenait lieu de pensée, et sa principale contribution à la culture humaine résidait dans un tempérament émotif auquel l'art, périodiquement, pouvait venir se régénérer.
Menées par des auteurs blancs ou noirs, les ripostes contre ce déni d'humanité ou de pensée se conçurent le plus souvent selon un modèle schismogénétique. Mais qu'on intériorise la vision gobinienne du monde noir, à la façon d'un Léopold Sédar Senghor promouvant l'émotion nègre en complément de la raison hellène, ou qu'on tente au contraire de la réfuter, à la manière d'un Cheikh Anta Diop rapportant toute science et toute pensée occidentales à une origine négro-africaine, l'attitude peut bien changer, la posture reste finalement la même.
Anthony Mangeon, La pensée noire et l'Occident
La sauvagerie ne tient à rien d’autre qu’à son fondement étymologique –du latin silva qui signifie forêt– et, dans ses aboutissants pour le siècle des Lumières, elle peut être envisagée en fonction des remarques de Diderot dans sa contribution –non signée– à l’Histoire des deux Indes de l’abbé de Raynal: «Sans doute il est important aux générations futures, de ne pas perdre le tableau de la vie et des mœurs des sauvages. C’est, peut-être, à cette connaissance que nous devons tous les progrès que la philosophie morale a faits parmi nous.»
Thierry Galibert, La Sauvagerie
Ce qu'il faut donc dénoncer et éviter d'entretenir, ce n'est pas le christianisme dans son esprit, mais la chrétienté qui, sous la forme historique que nous lui connaissons et que nous exposons plus en détail dans le corps de ce livre, n'est autre qu'un dévoie(x)ment de cet esprit. La voix de Jésus-Christ est une voix s'exprimant de façon inconditionnelle, parce que guidée par le Verbe et régie par le seul souci, par la seule nécessité de la Vie, de la Lumière, de la Vérité; la voix des hommes de la chrétienté fut trop souvent une parole conditionnée par des impératifs mondains partiels et partiaux.
Eric Coulon, Le dévoiement du christianisme