Et vous, frères et sœurs crédules et désemparés,
Vous qui cherchez la liberté dans la bande de Gaza, la prospérité au Bangladesh, l’épanouissement sous la burqa,
Vous qui chercheriez la générosité à Wall Street, la probité à l’Élysée, la repentance au Vatican, et finissez par mêler vos voix désenchantées dans les gorges domestiquées des avenues-à-manifester où s’enlisent les défilés qui canalisent vos aspirations,
Cesserez-vous enfin de refermer jour après jour sans marque-page le livre des blessures?
Il est où, le rat? Il est où? Dans le rat lui-même ou dans celui qui le tient, dans celui qui lui donne à grailler? Prends pas cet air écœuré, l’Nico, je sais que tu sais. Quoi? Tu peux répéter? C’est pas de ta faute tout ça? Tu ne fais qu’obéir? Te conformer à l’ordre mondial? Te plier au règlement? Mais tu te goures, face d’assiette. Tu es responsable. Oui, entends-moi bien. Responsable.
Détache ta ceinture de sécurité et ton pied du plancher
Détache ton regard de l’écran glauque où tu as vu cent fois la beauté se noyer
Détache une à une comme des tiques les antennes satellites dont la technostructure a hérissé ton crâne
Détache les sangsues d’élevage dont les politiques t’ont institué l’aliment synthétique
Débranche les endoscopes et les palpeurs des sondeurs, dérègle les thermostats de la culture climatisée.
Les luttes avaient repris: reconversion de l’automation, refus de la science à fric, égalité des salaires, écologie, autonomie: l’universalité craque et se redit dans ces morcellements. La Toile, piégée. Les gens marqués de puces électroniques s’automutilant pour s’en délivrer. Les attentats contre les nanotechnos. Le décrassage des eaux empoisonnées. Les tombes nucléaires. La double valeur de l’argent et les écritures comptables cibles de raids cyber.
