J’ai vu des bêtes me regarder au fond de l’âme et pleurer de joie. J’ai vu des morts plus présents que bien des vivants, j’ai vu des morts orienter la vie. Je n’ai plus de mère, je n’ai plus de père, tous mes ascendants ont disparu mais je suis toute ma filiation, je suis tout mon passé, et tout le passé avant mon passé, et mon présent est le passé d’un être idéal, et mon futur sera toujours son passé, jusqu’au vrai commencement.
Eric Coulon, Traversée de la conscience
Les silhouettes que je croise ne semblent pas me remarquer. Ni m’entendre. Ni même me sentir. J’ai essayé. Oui, j’ai essayé d’en attraper une, là, fermement. Pour qu’elle s’arrête, me regarde et m’écoute.
Je voulais qu’elle me dise si elle était du quartier. Je cherchais la rue des Marronniers et ne la trouvais pas. La fille ne m’a pas regardée, n’a pas ralenti. Lorsque mes doigts se sont refermés sur son avant-bras, elle a manqué trébucher, puis s’est dégagée et a poursuivi sa route comme si je n’existais pas.
Sandrine Rotil-Tiefenbach, Grise
