L'Europe baroque, écartelée entre Vieux et Nouveau monde, Réforme et Contre-Réforme, Foi et Science, et leurs dogmes opposés. Après avoir conquis le monde et le ciel, elle explore les nouvelles découvertes des terres inconnues de l'âme, de la conscience et de l'imaginaire.
À travers personnages de fiction et personnes historiques, poésie, théâtre et opéra, ce livre nous rapproche par son foisonnement d'une époque dans laquelle la nôtre plonge ses racines. On redécouvre ici un nouveau visage du Baroque, moins morbide qu'ivre de vie.
Benito Pelegrín, Professeur émérite des universités, écrivain, dramaturge, poète et musicologue, est spécialiste international du Baroque et du Néo-baroque. Des cinq livres qu'il a publiés depuis 2000, Figurations de l'infini. l'âge baroque européen (Seuil, 2000) et Traités politiques, esthétiques, éthiques de Baltasar Gracián (Seuil, 2005) ont été salués par la critique et couronnés par des prix (Grand Prix Calbairac de la Prose 2001 et Prix Jules Janin de l'Académie française 2006). Il a publié, en 2009, Marseille quart Nord aux éditions Sulliver.
Livre riche de références certainement, D'un temps d'incertitude est un texte qui invite le lecteur à un grand voyage à travers le temps. Son auteur ne se limite pas simplement à analyser l'époque baroque mais ouvre sa perspective vers la modernité et vers le passé, un survol interrogatif de trois siècles et un rapprochement avec le présent tout en admettant que le passé ne peut être la règle pour l'avenir ni l'expérience du présent. Comme tous les livres qui explorent le passé et le présent, avec une perspective très vaste, celui-ci laisse un vide. Remplir ce vide coïncide avec une volonté de recherche et d'approfondissement de la part du lecteur. Il y a mille et un renvois à des personnages, des textes et des auteurs inconnus ou peu connus sur lesquels on voudrait en savoir plus. On ferme ce livre pour l'ouvrir plusieurs fois et pour en ouvrir beaucoup d'autres: cela est une réussite, une invitation à la lecture.
Giusy De Luca - Acta
Les éditions Sulliver publient régulièrement des essais pointus et ô combien intéressants sur notre société à travers différents thèmes ou époques de l'histoire. Ainsi, en observant de plus près, par le biais de Benito Pelegrin, l'Europe baroque, c'est à la construction de la société actuelle que nous assistons. Nous savons à quel point des événements tels que la Réforme ou la Contre-Réforme ont dessiné les paysages d'aujourd'hui tant en culture, qu'en politique. Il en va de même pour ces grands courants expéditionnaires qui ont ouvert à la "vieille" Europe de nouveaux territoires, des mondes à conquérir avec toutes les dérives que l'on connaît mais aussi les apports prodigieux que cela a engendré.
Marielle Lefebure - Zazieweb
Cette large et centrale époque baroque, avec son aurore glacée du maniérisme et le crépuscule rose et mousseux du rococo, du dernier tiers du XVIème siècle au milieu du XVIIIème, entre classicisme renaissant et néo-classicisme prérévolutionnaire, est située plus largement entre deux grandes secousses, la Révolution française en aval (véritable rupture) et la Renaissance et ses grandes découvertes en amont. En gros, le XVIème découvre, le XVIIème siècle explore et exploite, assimile. Re-naissance ne signifie pas "nouveauté" mais "Retour" et continuité, inscription dans un passé, une histoire, l'Antiquité en l'occurrence, comme l'enfant qui naît est nouveau mais porteur d'une somme de gènes ancestraux. Quant au mot Révolution, bien sûr, il signifie retour ou clôture d'un cycle, mais je n'évoque ces deux termes de Renaissance et de Révolution que comme des limites historiques extrêmes d'une linéarité temporelle dont l'ère Baroque, de son affirmation progressive au début à son infirmation lente de la fin, est une vaste charnière, une longue transition où s'instaure et s'installe, entre crises et polémiques, sans doute une conception de la modernité dont nous vivons encore.
A partir du dernier tiers du XVIème siècle, la Contre-Réforme, contre-offensive catholique contre la Réforme protestante est, sinon le coup d'envoi du Baroque, une onde puissante de propagation idéologique et artistique après la secousse du schisme. Mais les résistances externes que cause la résistance interne de l'Église au progrès scientifique, à la modernité (la condamnation de Giordano Bruno en 1600 au bûcher et, en 1633, de Galilée à la rétractation et à la réclusion à vie chez lui en sont les terribles symboles) exaltent paradoxalement le sentiment de nouveauté et de modernité d'une Europe, déchirée religieusement et politiquement mais unifiée par la culture et la conscience d'accéder à un ordre nouveau du monde par les découvertes. La nouvelle mesure scientifique du temps, qu'à l'aube de l'âge baroque les travaux de Galilée sur la chute des corps et sur les oscillations du pendule font passer du mystère de la métaphysique à la certitude physique d'un temps mesuré, sonne l'entrée dans l'âge moderne et son angoisse de l'accélération d'une vie plus soucieuse de durer.