«Faire un bouquin de tes cendres. Un boucan. Un agent de refroidissement des souffrances.»
Non pas un livre sur le deuil, mais un livre sur le refus du deuil. Sous la forme du roman épistolaire – longue lettre qui défie la mort, ambitionne de prolonger la présence («Je te retiens : je volubile.») – cette Oraison fun est un grand livre baroque, à la fois portrait de la défunte et récit de ses luttes («… ta résistance toi ta bravoure sans rejet sur vingt-cinq ans de greffe cœur-poumons. »); portrait d’un couple contraint par la maladie de vivre hors des normes l’intensité d’une union bousculant routines et conventions («… cette attention follement précise à la moindre minute réelle et ce plaisir de vivre à cru… »); portrait de l’époque à travers celui de la faune cosmopolite des touristes arpentant les allées du Père Lachaise où repose Muriel, l’absente à jamais présente «au centre pile de solitude».
Dans une langue revendiquant sa hardiesse, l’écriture littéraire empoigne ici le deuil, l’humour, l’amour, la mort et ses lois.
Refusant la fin sans issue, cette célébration rythme le pouls d’une vie d’outre-tombe.
Michel Hoëllard a publié un premier roman, Lunes noires, en 2001, et un recueil de nouvelles, Inseguendo le lune, en Italie, en 2005. Son second roman, Ronde séminole, est paru en 2012 aux éditions Sulliver. Polémique, il collabore parfois au blog Stalker, dissection du cadavre de la littérature, et à la revue L’Atelier du roman.
Après la vie que t’as vaincue t’es au cimetière; j’y reviens. Certainement chaque jour défraîchi et chaque nuit à émietter.
La vie? Un élan qu’on le voudrait croire comme si de rien oui et non rien puisqu’en cette nuit de mi-juillet t’as discrètement fait ton entrée au royaume des amoureuses sans retour.
Un bel été comme tout et pas loin du cœur géographique de l’Hexagone. Dix-sept sept d’une belle saison plein pot de soleil sans averse.
T’es maintenant au Père Lachaise et il me suffit de le savoir pour un peu t’adresser la parole. Te parler comme si t’y vivais et tout te raconter ou pas du jour en cours ou bien me taire. Tromper l’absurde en te fixant dans ton blanc d’urne où tout si lent qu’est impossible à dire le feu, l’histoire du deuil et davantage en deux trente ou mille paragraphes…
Le monde est loin et la ville et le vent dans les bosquets secs et c’est pas l’art des trépassés aux alentours qui va m’en empêcher l’écho. Du tout. Je demeure ton seul ventriloque tant et si bien que le silence à ton oreille vaudra jamais mieux que le plaisir de fouir ta mort comme une taupe.
Puisqu’on meurt.
Bingo!
Qu’un jour n’a plus de lendemain.
Mais d’abord faut pas prologuer (et toc mon logiciel qui reconnaît épiloguer sans faire la gueule, prologuer non. Il souligne même le truc en rouge comme un corrigé du lycée.)
Prologuer hein, pas question.
Sans déconner, Muriel, mettre ta mort à l’aise reste quand même l’objet de ces pages. J’ignore si elles seront à la hauteur mais t’es le sujet inépuisable tant tes vie et souffle survivent. Aussi, te connaissant de peau et d’âme je voudrai pas par quatre chemins. Rien chantourner et dire pour d’autres l’énigme de ce deuil qui rôde et quel gouffre s’ouvre à partir de quoi non plus picoler solitaire ou chérir quelques ravissantes mais chercher une nouvelle tronche à la réalité quand mourir c’est tailler vif dans la taie des larmes pour tous et dans ces lignes en pâture pour survivants et dans ces phrases, ces viandes trouées et l’autre terre là le monde qu’arrêtent pas de tournevirer malgré tout preuve qu’on a joui de qui n'est plus, de qui on a vu ne plus être et qu'on l'a même scribouillé…