Présentée sous la double forme d’un journal et d’une correspondance à une seule voix, l’exploration sans tabou d'une relation amoureuse destructrice qui conduira la narratrice dans un hôpital psychiatrique.
Pire qu’une brutale dépossession, une histoire à éclipses à laquelle elle ne peut se soustraire plonge la narratrice dans une lancinante dépression et l’amène au fil des pages à s’interroger: quelle est cette puissance plus forte que la volonté qui entretient l’addiction à un sentiment qui vous détruit? La compassion n'a-t-elle pas de place là où a existé le désir?
Et pourtant, même dans les pires moments – la narratrice finira par chercher refuge pour se protéger d’elle-même dans cet "HP" dont elle restitue avec une ironie lucide l’atmosphère et la vie de tous les jours –, subsistera une part salutaire d’humour et d’autodérision. Et la perspective de sortir grandie de cette confrontation aux «affres et merveilles de la passion».
Actrice et auteure dramatique (sa pièce Miss Griff messe fut présentée au Festival d’Avignon), Nicole Charpail dirige par ailleurs une association qui s’est fixé pour objectif de donner aux plus défavorisés accès au jeu théâtral, notamment dans les milieux hospitalier et carcéral.
Actrice et auteure dramatique, animatrice d'ateliers de théâtre dans les prisons, elle explore de l'intérieur, dans toutes ses nuances, le dépit qui mène à la folie, organisant son chant de douleur en 481 fragments numérotés, organisés en 6 carnets. Les injonctions contradictoires du désir, les comportements indéchiffrables du partenaire, les (nombreux) éclairs de lucidité, le masochisme et l'instinct de conservation... L'amoureuse malmenée passe par toutes les étapes, mais c'est lorsqu'elle vérifie l'absence de compassion de son amant, quand l'évidence de la méprise (non seulement il ne l'aime pas, ne l'a peut-être jamais aimée, mais, surtout, il se moque de la blesser) apparaît dans toute sa cruauté, que les dernières défenses volent en éclats.
Véronique Rossignol - Livres Hebdo
A la lecture du très beau premier roman de Nicole Charpail, on ne peut éviter de penser, d'abord, aux Lettres portugaises (1669). Comme dans l'oeuvre de Guilleragues, la narratrice d'Un amour sans nom adresse à l'homme qui l'a séduite et déçue des lettres dont on ne nous livre pas les réponses. Comme dans les Lettres, l'écriture est le lieu où se déploie l'expression de la passion, de la souffrance et de la déception. [...] En 481 fragments numérotés, Nicole Charpail cherche pourquoi ce grain de sable lui a fait toucher ses propres limites et l'a renvoyée à son incroyable solitude. L'écriture est la dernière trace d'un désir de vivre qui pourrait renaître, un désir d'entrer en relation avec ses semblables. Car elle postule, à n'en pas douter, que quelqu'un l'écoute tandis qu'elle se plaint que personne ne l'entend. Elle se croit parfois simple témoignage permettant que "quelqu'un d'autre qui vivrait cela puisse savoir qu'il n'est pas seul". Elle est bien plus encore, cependant.
La plume très analytique de Nicole Charpail, nécessairement ressassante, construit peu à peu un pont entre elle et les autres. Ce n'est plus elle seulement qui témoigne de son histoire, c'est avant tout le lecteur qui en devient le témoin, créant par là une communauté bienveillante avec la narratrice.
Florence Bouchy - Le Monde des livres
À travers un style concis, parfois léger, parfois lourd, rythmé comme une cadence qui revient sans cesse sur son propos, Nicole Charpail nous offre un texte magnifique. Un hymne à la passion dans ce qu’elle a de plus intense et un réalisme surprenant, voire choquant, qui heurte notre sensibilité et nous bouscule dans nos convictions les plus fortes.
Martine Galati - Le Dauphiné Libéré
À V.: Je reconnais qu’il s’agit d’amour à ceci: qu’alors qu’il me serait parfaitement possible de faire pour vous comme j’ai fait pour tant d’autres, à savoir, me contenter - sans savoir que je m’en contente - de vous aimer en secret, me satisfaire - sans admettre que je m’en satisfais - de l’imagination d’un retour d’amour, je reconnais qu’il s’agit d’amour à ceci: que cet amour-là, ainsi maîtrisé me consume, au point qu’effectivement ma propre mort ne m’apparaît pas plus absurde que l’absurdité de ne pas vous rencontrer à l’endroit de cet aveu.
Est-ce que nous serions en capacité cette fois-ci de rompre avec le rituel de l’indicible, du non-dit et du refoulé? Et pour l’amener où?
Je reconnais qu’il s’agit de désir à cause que j’ai perdu la paix, du fait que tous les déploiements de ma raison - qui m’ont au demeurant parfaitement convaincue du non intérêt absolu des affres de ce désir - ne font pas le poids. Vous n’imaginez pas, quand la raison, bien que toujours existante, ne fait pas le poids. Mais ce ne sont pas les affres de ce désir qui pèsent plus lourd que la connaissance d’une paix intérieure, non, ce serait plutôt comme une force inconnue qui plaque ceux-ci sur le plateau d’une balance diabolique, un acharnement qui se refuse à l’objectivité d’une mesure scientifique, une obstination farouche à découvrir cette fois, par le fond - c’est-à-dire sans ménagement - la source de cet amour.
L’être que j’ai cette fois-ci devant moi mériterait-il qu’on drague la boue de cette eau tumultueuse? Ou bien suis-je encore abusée? Et l’indifférence qui s’est emparée de moi devant quasiment toute chose de cet ordre - j’entends les affaires d’affects - était-elle faite de si peu de profondeur qu’on puisse, dès qu’elle n’est plus de mise, voir un cratère rempli de vide en sa place?
En dehors des transferts et contre-transferts, qu’est-ce qui peut bien nous rassembler je vous le demande?
C’est un champ de ruines que mon âme, ou plutôt une terre brûlée qui n’aurait jamais porté de vie, une sorte de lune bientôt froide dont je veux retrouver l’histoire, un état inlassablement martelé dont il me faut remonter la source, comme d’autres vont s’abreuver à celle de la paix.