«Commençons par admettre cette tempête, reconnaître qu’il est à nous, ce désastre qui nous sidère.» Ravageant toute forme de vie sur Terre au nom de sa valeur, cette «société» transforme le monde en un Enfer. Elle n'a aucune raison d'être et doit s'en forger sans cesse, renouveler ses terreurs et promesses, pour nous empêcher de nous saisir de l’absurde misère humaine qu'elle fait partout triompher.
C'est dans tous les aspects de notre existence que nous subissons et reproduisons la domination de la valeur marchande, c'est là qu'il nous appartient d'y mettre fin. Critiquer ce désastre, c'est démasquer à la fois sa réalité sociale et sa consistance intime, refuser de rester écartelés entre des postures politiques et religieuses. Renverser la perspective idéaliste de la domination, cette mauvaise conscience que nous portons en nous et qui gâte et dévalorise tout ce que nous vivons. Se désengourdir, s'en prendre à notre apathie et à notre insensibilité, redéployer tous les aspects de notre puissance pratique : ceux qui ont été transformés en machines et fétiches marchands, mais aussi ceux qui ont été enfouis dans les bondieuseries et métaphysiques de toutes sortes. Reprendre contact avec nous-mêmes.
Pierre Bourlier est l’auteur d’un essai sur George Orwell, Au cœur de 1984, et de divers «contes grotesques» (Offrez votre Sang, L'Ivresse des Pauvres).
D'où vient ce sentiment déjà pointé par le philosophe Peter Sloterdijk d'être désormais enfermé dans une bulle globale empoisonnée, une véritable "prison de l'être"? Telle est la question soulevée par "De l'intérieur du désastre", un beau livre étrange, qui sait mettre des phrases envoûtantes sur des impressions diffuses d'apocalypse accélérée, de saccage des sensibilités et d'expropriation intime auxquelles se résume pour l'auteur l'esprit du temps. [...] Revenu des naïvetés sectaires d'une certaine critique sociale, [Pierre Bourlier] signe un manuel de résistance où de nombreux lecteurs entendront résonner leur propre malaise.
Aude Lancelin - Le nouvel Observateur
Pierre Bourlier, c'est d'abord une critique sociale et politique sans compromis, qui met ses pas dans ceux de Marx ou de Debord et dénonce avec âpreté les tourments d'une existence dominée par la seule valeur marchande. Mais c'est aussi un ton cinglant, une écriture habitée d'une totale indignation.
Serge Hartmann - Dernières Nouvelles d'Alsace
Les propriétaires et les gestionnaires de ce charnier mondial sont fous, bel et bien fous. Ils offrent, à ceux qui tentent de garder du recul, un spectacle pitoyable; ils inspirent un trop facile mépris. En se battant comme des chiens pour avoir l'apparence de maîtres, ils monopolisent l'opprobre et nous détournent de l'absurdité de cet ordre social que nous partageons avec eux. Leur folie est bien sûr de ne pas voir qu'ils sont eux-mêmes les victimes des désastres qui les enrichissent: ce qu'ils y gagnent a toujours moins de valeur réelle. Qu'ont-ils pour se sentir puissants, si ce n'est la pratique de l'expropriation? Ils ne sont personne, ils sont portés par un vide immense et par le besoin insatiable de nier ce vide en anéantissant tout ce qui le leur révèle. Porter la ruine toujours un peu plus loin que leurs concurrents. Ils ne peuvent tout simplement pas arrêter le progrès de la médiocrité et de la misère, car leur propre «poursuite du bonheur» exige d'eux l'infinie conquête de la vie d'autrui, la destruction de tout ce qui dans le monde se présente comme entrave à leur jouissance impossible. La modération dans leur art les expose dangereusement à être disqualifiés par leurs semblables. Ils appartiennent à l'emballement de cette machine, tout comme nous.
Les chiffres dont ils espèrent tirer orgueil grossissent d'autant plus que leur sens s'évanouit. Le fameux accroissement de l'inégalité des revenus et fortunes correspond à un nivellement réel, la dévalorisation de tout ce qui permettait une distinction sociale: toujours plus de moyens pour toujours moins d'effet. Les immenses accumulations de dollars expriment-elles autre chose que la nullité de leurs propriétaires? La valeur fuit les richesses comme un fantôme. La vie s'étiole réellement pour tout le monde. La misère des «riches» ressemble toujours plus à celle qu'ils réservent aux «pauvres», c'est pourquoi l'affirmation d'une différence est un travail toujours plus gigantesque. L'égalité dans la misère : voilà le secret à enfouir.